Analyse floristique du jardin d’El-Hartoun (Tlemcen-Algérie), caractérisations biologiques et biogéographiques

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Analyse floristique du jardin d’El-Hartoun (Tlemcen-Algérie), caractérisations biologiques et biogéographiques


Date de publication : 28 février 2008


Résumé


Les jardins botaniques sont de prestigieux établissements scientifiques composés d’espaces boisés. Ils sont consacrés à la culture, à la conservation et la sauvegarde de la flore.

Le jardin d’El-Hartoun est une magnifique collection de plantes méditerranéennes ou autres, généralement exotiques. Si on le considère désormais comme étant un jardin botanique, les perspectives dans la sauve garde des espèces prendra un autre détour.

 

Parmi les objectifs qui seront attribués à cette institution :
- Formation et éducation d’étudiants,
- Activité scientifique : de nombreux jardins sont rattachés aux universités ou alors constituent des centres de formation,
- Recréation et information du grand public,
- Collaboration avec les industries : concerne les plantes ayant un intérêt industriel certain.

C’est avec l’idée de proposer l’établissement d’un jardin botanique au sein du jardin El-Hartoun qu’on s’est lancé dans l’évaluation des caractères de ce milieu. De plus, un tel travail n’a jamais été réalisé auparavant dans les jardins de Tlemcen.

Notre objectif dans cette étude est essentiellement l’analyse complète de la flore du jardin d’El-Hartoun.


Mots clés


Jardin botanique, établissement scientifique, conservation, sauvegarde, analyse de la flore, Tlemcen, ouest algérien


Introduction



Depuis l’apparition de la vie sur Terre, les êtres vivants et leurs environnements exercent les uns sur les autres une influence réciproque. Avec la domestication des autres espèces animales, végétales ou microbiennes par l’homme, ces interactions se sont intensifiées. Depuis l’entrée dans l’ère industrielle, la modification de la composition de l’atmosphère et, consécutivement, des climats, s’est accélérée. Ces changements se traduisent aussi par des modifications globales des processus fonctionnels de la biodiversité, qui perturbent aussi bien le cycle du carbone que la productivité des écosystèmes ou la propagation des épidémies. C’est la raison pour laquelle une attention très particulière doit être portée sur les parcs et les pépinières afin de préserver la biodiversité des écosystèmes.


Les jardins et les parcs sont des moyens du savoir vivre de l’homme. Ils constituent des lieux de détente et de repos tant par le silence et l’air frais, que par la verdure et la beauté divine. C’est bien la cas du jardin El-Hartoun qui a attiré l’attention de beaucoup de gens curieux (poètes, journalistes, et visiteurs).


Au temps du colonialisme, les français étaient profondément impressionnés par les plaines de Tlemcen. Selon le témoignage d’un poète français amoureux de Tlemcen, Claude Maurice Robert, qui révèle la féerie du jardin d’El-Hartoun, décrivant les diverses espèces de plantes qui ornaient ce « Ferdaous » : « Je connais tout : l’odeur amère et chaude des buis dans le soleil, la profusion des lauriers roses et blancs, la luxuriance des glaïeuls et des cannas si turgescents, si hauts, qu’ils m’arrivaient aux épaules.

 

Et comment dire la splendeur, l’élégance svelte de ces plantes bandes d’agapanthes d’un bleu candide de pervenche ou mauve jacaranda selon qu’on les regarde à l’ombre ou au soleil. Jamais je n’envie tant d’épanouies à la fois, et jamais d’aussi hautes. Triomphe aussi des hibiscus aux corolles de rubis, et des altéas roses aux calices cramoisis. Mais la gloire du moment, ce sont ces loegestroemia « valzo, arbre à mousseline » dont la floraison mousseuse et couleur de corail est tellement foisonnante qu’on ne voit pas leurs feuilles. Et voilà les cyprès, les fuseaux noirs dans l’air bleu, les noyers, les tilleuls, les marronniers, et les rois de la flore tlemceniennes : les platanes. J’ai oublié le catalpa énorme, lui aussi je l’ai connus surchargé de grappes blanches tigrées de pourpre, on le retrouve couvert de fines et longues gousses vertes comme celle de la vanille. J’ai dit les gloires de ce jardin, en voici les martyrs. Ce sont ces fusains qu’on taille en fauteuils, paniers, girandoles, ou en obélisques. Tlemcen est toujours là et le jardin d’Eden « El Hartoun » aussi beau et joyeux que jamais ».


Le jardin d’El Hartoun est situé dans la ville de Tlemcen. Celle-ci est située à l’extrême Ouest de l’Algérie. Sa superficie est d’environ 9200 Km². Le jardin d’El Hartoun quant à lui, couvre une superficie de 45000 m². Il est situé au Sud Est de la ville de Tlemcen. Il fut crée le : 17-01-1884 par l’administration Française. Son altitude va de 821,5m à 825,6m. Ses coordonnées Lambert sont : X = 1°19’ ; Y =34°52’


Le climat de Tlemcen est de type méditerranéen. Celui-ci permet l’évolution des formations végétales. Le bioclimat est semi-aride tempéré.


Du point de vue écologique, deux séries de facteurs sont déterminantes pour cette richesse. Tous d’abord les critères bioclimatiques qui sont responsables du développement du patrimoine floristique; Le second critère est l’impacte extrêmement fort des activités humaines sur les écosystèmes forestiers, notamment sur les jardins et les parcs. Si l ‘action de l’homme, par son arrosage systématique du jardin, et son maintient de l’équilibre par les différentes méthodes de multiplication, n’était pas positive, ces facteurs auraient permis une régression évidente du capitale biologique.


La biodiversité est une ressource pour toute l’humanité. Elle est vitale et mal évaluée et dont dépend la réalisation des objectifs de développement du millénaire ; Elle est irréversiblement détruite par les activités humaines à une vitesse jamais rencontrée et cela exige des actions urgentes et significatives pour la conserver, l’utiliser de façon durable et en partager équitablement les profits ;tant que le taux de l’érosion de la biodiversité et la dégradation consécutive des services des écosystèmes ne seront pas réduits, les efforts pour combattre la pauvreté, lutter contre la faim et fournir une eau de qualité et un environnement sain seront compromis ; un effort majeur est encore nécessaire pour combler les lacunes des connaissances, mais il existe déjà suffisamment d’information disponible pour améliorer la gestion des écosystèmes.


Le végétal agit sur l’air, sur l’eau et sur le sol et donc sur l’environnement. Donc l’exploitation des ressources naturelles s’impose en prélevant les intérêts sans les épuiser.


L’utilisation intelligente de l’espace suppose de prime abord sa connaissance, et une évaluation de son état et de sa potentialité.
La couverture végétale se dégrade de plus en plus et les altérations s’observent au fil des temps. Viers (1930), mentionne que la superficie était estimée à cinq millions d’hectares.


En 1962, cette superficie n’était plus que de 3,2 millions d’hectares dans un état de dégradation avancée.


Vers les années 1990, on a évalue la superficie forestière dans notre pays à 2,7 millions d’hectares, soit 2,3 millions d’hectares qui ont disparus durant un siècle et demi. Cette disparition peu expliquée par deux causes importantes qui sont les incendies répétés qui détruisent en moyenne 35000 hectares de formations forestières par an, et l’action anthropozoïque anarchique.


La couverture végétale des espaces verts tels que les jardins publics, contribue à l’équilibre vital de l’homme. Ils constituent à la fois un lieu de détente solitaire ou collectif, et un lieu de distraction afin de se libérer de la fatigue journalière et de bénéficier d’une cure de bouffée d’air pure. Notre jardin d’El-Hartoun, à côté du faite qu’il soit un beau jardin public, constitue aussi un extraordinaire arboretum de mélange de plantes exotiques et méditerranéenne. On peut même le considérer, et pourquoi pas, comme un herbier naturel de plantes allochtones. C’est d’ailleurs un des intérêts de cette étude à coté de l’inventaire et de l’analyse floristique complète.

 

En effet, nous souhaitons pouvoir avec ce travail, considérer le jardin d’El-Hartoun comme un musée en plein air d’espèces plantées il y a plus d’un siècle par les Français. Celles ci sont presque toutes étrangères et ne peuvent s’adapter et s’accommoder qu’avec un entretient journalier par des agents techniques.


Méthodes



Non décrite


Résultats



Les groupements qui ont leur optimum de développement dans le jardin, lieu d’étude, sont représentés physionomiquement par trois formations végétales : arborée, arbustive et herbacée.


Strate arborée (ligneux haut), représentée essentiellement par :
- Acacia mollicima L.
- Cupressus sempervirens L.
- Cedrus atlantica Link.
- Cassia fistula L.
- Acer negundo L.
- Rosa canina Aggr.
- Schinus molle L.
- Prunus cerasiflora Paillot.
- Ziziphus lotus L.
- Acacia retinoides L.
- Olea oleaster L.
- Pinus halepensis Miller.
- Thuya plicata L.
- Yucca recurvifolia L.
- Fraxinus excelsior L.

Strate arbustive (ligneux bas), tels que :
- Evonymus japonicus L.
- Jasminum primelinum L.
- Viburnum tinus L.
- Lantana camara L.
- Lavandula stoechas L.
- Cyperus papyrus L.
- Verbena officinalis L.
- Rosa gallica L.

Strate herbacée, est représentée surtout par:
- Centaurea cyanus L.
- Oxalis pes-caprae L.
- Anthemis arvensis L.
- Cheiranthum cheiri L.
- Iris germanica L.
- Leucanthemum maximum Ramond.
- Chrysanthemum coronarum L.
- Chrysanthemum fructescens L.
- Narcissus tezetta L.
- Dianthus communis L.
- Dianthus chinensis L.
- Calendula officinalis L.
- Helianthus annus L.

La flore du jardin d’El –Hartoun inventoriée est très variée, elle compte : 75 familles, 122 genres et 140 espèces.
Le cortège floristique recensé appartient à l’embranchement des spermaphytes, qui lui-même se subdivise en deux sous-embranchements : gymnospermes et angiospermes.


Les angiospermes constituent 96% de la population étudiée avec 80% de dicotylédones et 16% de monocotylédones, alors que les gymnospermes ne comptent que 4%.


Les familles les plus représentées sont celles des composées, des rosacées, des liliacées, des légumineuses, et des oléacées.
Les autres familles sont surtout les exotiques avec des espèces qui sont rares chez nous.


Malgré leurs faibles pourcentages, elles marquent quand même leurs présences. On cite surtout : les amaryllidacées, les pinacées, les graminées, et autres,…


La biodiversité est un terme formé à partir de la diversité biologique qui comprend trois niveaux de variabilité biologiques, complexité de l’écosystème, richesse des espèces et variation génétique.


L’analyse de la richesse floristique des différents groupements, de leurs caractères biologiques et chronologiques permettrait de mettre en évidence leurs originalité floristiques, leurs états de conservation, et par conséquent, leurs valeurs patrimoniales (Dahmani, 1997).


Pour notre zone d’étude, et vue que c’est un milieu plus ou moins artificiel, la biodiversité est maintenue stable grâce à la préservation des espèces par les agents techniques et jardinier.
L’exotisme du jardin est très frappant lorsqu’on voit des espèces que l’on ne connaît pas et qu’on peut admirer uniquement au sein de ce milieu tant riche par ses arbres gigantesques que par ses petites fleurs fragiles et minuscules.

Les types bilogiques rencontés dans ce lieu sont:
- Phanérophytes,
- Chamaéphytes,
- Géophytes,
- Thérophytes.

Dans notre station d’étude, le pourcentage des phanérophytes l’emporte avec 33%. Il est suivi des chamaéphytes (28%) puis des géophytes (26%) et enfin des thérophytes avec un pourcentage de (14%).
La taille des arbres et des arbustes est très remarquable. Cela prouve l’ancienneté du jardin et la qualité du sol (notamment sa richesse en matière organique).

Les espèces de phanérophytes les plus dominantes sont :
Buxus sempervirens L.,
Laurus nobilis L.,
Fraxinus excelsior L.,
Solanum pseudo-capsicum L.

Les chamaéphytes se placent en second position avec un nombre significatif ; on cite :
Euonymus japonicus L.,
Nerium oleander L.,
Lavandula steachas L.,
Rosmarinus officinalis L.

Les géophytes sont surtout représentées par :
Ruscus hypophyllum L.,
Iris germanica L.,
Dianthus chinensis L.
Dianthus communis L.,
Viola odorata L.

Quant aux thérophytes, on dénombre principalement :
Cheiranthum cheiri L.,
Chrysanthemum coronarum L.,
Tagetes patula L.,
Lathyrus odoratus L.,
Calendula officinalis L.,
Helianthus annus L.

Le type biologique est traduit automatiquement à la morphologie du végétal. La forme de la plante est l’un des critères de base de la classification des espèces en types biologiques. La phytomasse est alors constituée d’espèces ligneuses vivaces, herbacées vivaces et herbacées annuelles.


Au sein de notre jardin, les formations végétales sont très hétérogènes. Elles sont représentées par les trois types morphologiques, qui sont : Ligneux vivaces, herbacées vivaces, herbacées annuelles.


Les ligneux vivaces dominent avec un pourcentage de 62 %, les herbacées vivaces viennent en deuxième position avec un pourcentage de 27 %. Enfin, on retrouve les herbacées annuelles avec un pourcentage de 11 %.


Le jardin est très hétérogène de point de vue type biogéographique. En effet, malgré la prédominance des espèces méditerranéennes évaluée à 43,5%, l’exotisme des autres espèces est bien apparent. Nous pouvons dénombrer pas mal d’éléments américaines comme le Pommier d’amour, le Robinier, le Gazon, et le Faux poivrier ; africaines comme l’Oiseau du paradis, et surtout asiatiques représentées essentiellement par : Le fusain du Japon, le fusain panache, le jasmin d’hiver, l’arbre à mousseline, l’œillet de Chine, le troène du Japon. Les autres éléments biogéographiques sont peu représentés.

Conclusion



L’analyse floristique du jardin d’El-Hartoun, révèle une richesse et une diversité importante.


L’hétérogénéité est marquée par l’existence des types biologiques divers allant des Phanérophytes, des Chamaéphytes, des Géophytes jusqu’aux Thérophytes. Cela se traduit par les types morphologiques qui sont eux aussi importants (herbacées annuelles, herbacées vivaces, et ligneux vivaces. L’exotisme du jardin se reconnaît par l’existence d’espèces qu’on n’a pas l’habitude de rencontrer dans nos régions, comme Melia azedarach L., Ligustrum japonicum L., Yucca recurvifolia L., Corydallis cava L., Eschscholtzia california L.


Malgré la dominance des éléments méditerranéens la présence des autres types d’aires biogéographiques est notable. Ils sont peu représentés et pourtant ils reflètent un milieu non commun et donnent à cet espace naturel récréatif un patrimoine floristique très riche et diversifié.


Il reste toutefois à dire que le patrimoine qui s’y trouve mérite d’être protégé par les gens concernés. Pour cela, trois actions sont nécessaires pour la conservation du matériel végétal au niveau d’un jardin si on souhaite qu’il soit un jardin botanique ; ce sont l’obtention de plants, leur maintien et la plus large propagation possible du matériel. Ainsi, la biodiversité du milieu étudié sera maintenue en équilibre et les perspectives ne seront pas restreintes à une étude simple des taxons, mais prendra un aspect plus large lié à la mise en valeur du patrimoine et à l’évolution des écosystèmes ainsi qu’à la biodiversité en région méditerranéenne. En effet, identifier, inventorier, et localiser les espèces et les populations végétales sont des préalables indispensables pour toute action de conservation.


A grande échelle, la tache demeure lourde car la biodiversité est une ressource pour toute l’humanité. Bien qu’elle soit vitale, la biodiversité reste mal évaluée, et pourtant la réalisation des objectifs de développement de ce millénaire en dépend fortement. Elle est irréversiblement détruite par les activités humaines à une vitesse jamais rencontrée et cela exige des actions urgentes et significatives pour la conserver, l’utiliser de façon durable et en partager équitablement les profits.


Tant que le taux de l’érosion de la biodiversité et la dégradation consécutive des services des écosystèmes ne seront pas réduits, les efforts pour combattre la pauvreté, lutter contre la faim et fournir une eau de qualité et un environnement sain seront compromis ; un effort majeur est encore nécessaire pour combler les lacunes des connaissances ; Cependant il existe déjà suffisamment d’informations disponibles pour améliorer la gestion des écosystèmes afin de bien les exploiter sans pour cela les épuiser.

Auteurs : Benmansour Bouchra* (doctorante), Benabadji N (professeur)


* Benmansour Bouchra (doctorante), benmansoursalimab@yahoo.fr, Laboratoire d’Ecologie Végétale, Département de biologie, Faculté des Sciences, Université Abou Bakr Belkaid - Tlemcen 13000, Algérie

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