Le réemploi
Il concerne non seulement la matière, mais tout ou partie de la forme initiale. Les colonnes de marbre et autres œuvres d’art des palais antiques étaient réemployées. Les pierres des châteaux ou d’églises en ruine furent réemployées comme pierres à bâtir par les habitants des environs.
Certains produits et matériaux provenant de démontages de bâtiments anciens alimentent des négoces d’antiquités et d’objets de brocantes : vieilles pierres, vieilles poutres, vieilles tuiles, etc. Il s’agit d’objets de valeur.
En Allemagne, la Société Braas, leader de la toiture et filiale du groupe anglais Redland, reprend des vieilles tuiles. D’une façon générale, il conviendrait de promouvoir les systèmes de reprise par les fabricants, sur une base volontaire, le cas échéant avec des incitations publiques (c’est par exemple la marque " Retour " que l’ADEME s’efforce de promouvoir), ou réglementaire (obligations). La question concerne en fait le réemploi ou le recyclage, le cas échéant une élimination dans de meilleures conditions.
L’élargissement de la responsabilité des fabricants s’applique en particulier à l’emballage. A ce sujet, on peut rappeler le projet de la " World Bottle " ou " Wobo ", imaginé voici 25 ans par John Habraken pour la brasserie néerlandaise Heineken : c’était une bouteille en verre de section carrée, pour faciliter son réemploi comme " brique " dans des constructions bon marché, dans le tiers-monde ; mais, par crainte de retombées négatives sur son image de marque, le brasseur a renoncé à exploiter l’idée.
Dans les années 1950, un américain excentrique, employé des Pompes Funèbres, avait récolté auprès de ses amis un demi-million de bouteilles de fluides d’embaumeur, pour construire à sa retraite, en Colombie britannique, une maison en forme de trèfle !
D’autres maisons de fortune ont été construites à partir de récupérations diverses : véhicules, avions, boites-boîssons en aluminium, etc, mais elles font figure seulement de curiosités (*).
Une maison construire entièrement à partir de composants réemployés et de matériaux de démolition recyclés a fait plus récemment l’objet d’une démonstration à Odense, au Danemark.
En France, une opération REX HQE (Haute Qualité Environnementale) concerne la construction de 49 logements (la Résidence Taviel) à Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, sur le terrain de l’ancienne prison. Les briques, ardoises, pierres et bois issus de la déconstruction sélective de la prison sont récupérés, nettoyés et mis en œuvre dans la nouvelle construction. Ce travail a été effectué par des personnes en situation d’insertion économique.
Sur des sites où d’anciens bâtiments doivent être démolis pour pouvoir construire un nouveau magasin, le groupe belge de distribution Colruyt pratique la déconstruction sélective à des fins de réemploi ou de recyclage. Le béton et les briques sont concassés sur place ; sous forme de gravillons, ils servent notamment à niveler le terrain ; ainsi, le terrain du magasin de Montegnée a été nivelé avec les décombres concassés sur place (soit 5000 tonnes). A défaut de possibilités d’utilisation sur le site-même, ces matériaux sont employés sur un autre chantier ou sont stockés en attente d’utilisation.
En fait, autrefois, la " déconstruction sélective " était traditionnellement opérée par les démolisseurs, qui achetaient ainsi " des matériaux sur pied " ; pratiquement tout était revendable ou " replaçable " (en région lyonnaise, vers 1920, ce qui n’était pas revendable servait à remblayer les " lônes " marécageuses du Rhône). Telle est par exemple l’activité traditionnelle de l’entreprise Badiou (M. Badiou est devenu Président du Syndicat des démolisseurs Rhône-Alpes), mais l’effectif de l’entreprise a chuté, passant de 65 à 10 personnes, en raison de coûts croissants de la main d’œuvre et de l’évolution des matériaux et systèmes constructifs, défavorables au réemploi.
L’entreprise Badiou a cependant pratiqué récemment la déconstruction sélective de l’usine GEC-Alsthom de Villeurbanne ; tout ce qui pouvait être valorisé l’a été.
Un obstacle au réemploi des bois de démolition réside dans la présence de clous et autres éléments métalliques ; lors d’un nouveau façonnage, il en résulte des risques de détérioration des scies et d’accidents graves.
Le réemploi concerne également les emballages utilisés dans le cadre des chantiers de construction et de réhabilitation, notamment dans le " second œuvre " : palettes, fûts, bidons, etc ...
En ce qui concerne les palettes, la proportion des palettes multi-rotations est particulièrement faible en France : ce qui signifie que les 2/3 sont mono-rotation (palettes dites " perdues ").
Se reporter au Dossier : 'La gestion des DIB - Généralités'
La construction se traduit par l’utilisation de grandes quantités de palettes.
La réparation de palettes constitue en outre une activité propice à la création d’emplois d’insertion par l’économique.
En ce qui concerne les résidus de peinture non utilisée, on peut imaginer, outre un recyclage en mélange avec de la peinture neuve, un essai de mise en place d’une " bourse " centralisant les offres et les demandes.
Pour certains matériaux, une alternative est constituée par l’acheminement et la livraison en vrac, qui supprime l’emballage.
Un problème important, en termes quantitatifs, est relatif aux matériaux inertes, notamment la terre et la pierre, excavés ou déplacés pour aménager le site de construction et réaliser les fouilles destinées aux fondations.
En ce qui concerne les canalisations souterraines, on peut aujourd’hui les installer sans tranchées, en particulier sans ouvrir les chaussées. Un " Comité Français pour les travaux sans tranchées " a même été constitué à cet effet. A titre d’exemple, on peut citer la méthode mise au point par la Sade.
Un autre gaspillage tient au manque de coordination des travaux occasionnant le creusement des tranchées par les différentes administrations. C’est un problème lancinant qui s’avère très long et très difficile à résoudre.
Plus généralement, pour les matériaux " inertes " provenant des chantiers de construction (soit 1,5 à 2 m3 d’inertes par logement neuf collectif, soit encore environ 40 % du total des déchets pour ce type de construction, selon l’Entreprise Pitance), les traditions anciennes consistent à les utiliser sur place comme matériau de remblai, comme charge sur " plancher marin ", ou pour le remplissage des murs entre deux parements maçonnés, etc. Certaines de ces traditions peuvent être utilement prolongées pour éviter une évacuation.
En Amérique du Nord ainsi que dans des pays d’Europe du Nord, des vieux papiers déchiquetés (sans remise en pâte) sont utilisés comme matériau d’isolation (moyennant certains traitements, en particulier des adjuvants anti-feu, comme les sels de bore), en vrac ou projetés, ou entrent dans la fabrication de panneaux. D’autres fabrications s’accompagnent d’une remise en pâte ; il s’agit alors d’un recyclage.
Sommaire | Page précédente | Page suivante |
Copyright © RecyNet / 2001